MARIKA SZÀRAZ
Artiste, enseignante, conférencier
Tapisserie contemporaine - Art plastique - Design Textile


Article dans la revue ARTS ANTIQUES AUCTIONS Prix Léon-Louis SOSSET ‘96

Quelles sont les moyens techniques que vous utilisez comme écriture textile?

Mon travail est basé sur une longue expérience de la tapisserie, suivi d'une recherche sur le rapport entre la surface et la forme. Depuis des années, j'ai expérimenté une nouvelle technique qui me permet de varier à l'infini la forme des surfaces tissées, tant arrondies qu'angulaires. En changeant les formes, les lignes parallèles des fils de chaîne changent aussi de direction et créent de nouveaux plans ; de par la réflexion de la lumière, ces plans acquièrent des couleurs métamorphosées. Je m'intéresse beaucoup au rapport entre la structure et la lumière, au point que le support en devienne le sujet même.

Je ressens un dépouillement dans votre travail, pourriez-vous m'expliquer?

« Un dessin vaut mieux que cent paroles » dit le proverbe Zen, et je crois que la maîtrise d'une technique implique la simplicité. Je ressens mon travail comme l'extériorisation d'un silence intérieur. Pour moi une simple forme très sobre, harmonisée avec l'espace vide donne l'impression du chant du silence, d'une harmonie, de la sérénité. Il n'y a pas de dualité, de conflit entre les éléments. J'éprouve la sensation qu'elle évoque d'autant plus intensément que son contenu est plus laconique. Son message est si évident que l'expliquer ne pourrait que le falsifier. Elle invite le spectateur à participer au lieu de simplement regarder.

En regardant votre travail j'ai pensé aux jardins zen...

Je suis contente que vous me dit cela. En effet, on retrouve l'image de ces lignes parallèles dans les jardins sec. J'ai une affinité avec ces jardins zen qui évoquent une sensation de calme, du bonheur, une harmonie. Mais cette écriture rectiligne et ce changement de sens des lignes parallèles sont l'effet de tissage et le sujet de mes recherches. Je ne les pas créée pour une ressemblance à quoique ce soit. Cependant si vous pensez le jardin zen comme expression artistique ; la simplicité, le respect caché derrière les apparences, ou la pureté d'un monde auquel l'homme appartient mais qu'il ne domine pas, je suis tout à fait d'accord.

En quoi ce type de travail vous amène-t-il une certaine forme d'initiation?

Le tissage a souvent était associé aux rites et cérémonies sacrés dans les différentes civilisations. Le mouvement gestuelle linaire horizontale rythmique est une forme d'écriture. Ce moment intime dans le silence, ce contact personnel avec la matière qui prend corps continuellement par les gestes rituels, est une sorte de méditation corporelle, une moyenne de rééquilibrer les énergies. Ce genre de travail ressemble à un mouvement perpétuel, sans début, ni fin : chaque ligne engendre la suivante et se développe, pas uniquement de façon linéaire mais s'inscrit aussi dans la profondeur de la matière. Mon battement de cœur, ma respiration se fusionnent avec les gestes monotones qui sont liés étroitement à l'écoulement linéaire du temps. Le futur, le passé deviennent illusions, et le présent est l'éternelle réalité. C'est une sensation de n'aller nulle part en un instant intemporel de paix et de solitude. La joie d'un grand voyage, une traversée dans la surface tissée dans laquelle les parcours importent plus que la destination.


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